L’installation d’un poste de traite au début du 17e siècle ici marque le début des premières transactions autour de la mer, la rivière et la forêt qui colorent l’histoire de Matane. La Place des Rochelais est un lieu de rencontres où l’on se rappelle précisément de marchands rochelais à la tête du poste de traite. Ils passent l’hiver 1616 à Matane pour consolider les liens commerciaux qu’ils entretiennent depuis quelques années avec les autochtones. Comme en témoignent les bâtiments dessinés par Samuel De Champlain sur la carte de la Nouvelle-France qu’il dresse en 1612, les marchands sont bien établis.
Inaugurée en 2001, la structure stylisée en forme de voilier fait référence à la goélette des rochelais Le Jehan. Le fond de la reproduction du bateau est rempli de galets pour rappeler le lestage des embarcations qui assure une certaine stabilité à la goélette avant d’entreprendre la traversée outre-mer. Arrivé à bon port, les marins déchargent le bateau de leurs gains et des galets. Il y a peut-être des galets de La Rochelle au fond de la rivière Matane depuis tout ce temps. Par ailleurs, la rue de L’Escale, près du Vieux port de La Rochelle, est pavée de pierres provenant des bords du Saint-Laurent. («Une place des Rochelais à Matane», Claude Otis, Au pays de Matane)
Probablement que le grand havre formé par le bassin de la rivière Matane attirent les navigateurs-marchands ici puisqu’ils doivent prévoir un port d’embarquement naturel. La présence autochtone doit aussi être considérée. Adoptant un style de vie semi-nomade, il est habituel de les voir faire escale à l’embouchure des rivières. Ici, la rivière Matane sert de voie d’accès pour aller sur le Saint-Laurent ou pour pénétrer dans la péninsule gaspésienne. La rencontre entre les rochelais du Jéhan et les amérindiens est peut-être hasardeuse au début. Il convient cependant de penser que rapidement, les amérindiens viennent à leur rencontre pour échanger leurs fourrures et leurs services en échange de produits européens.
Nous ignorons combien de temps ce carrefour commercial de Matane a duré. Cependant, nous connaissons la raison qui a contribué à l’arrêt de ses opérations. En 1613, le roi de France accorde le monopole complet des pelleteries sur les rives du Saint-Laurent, depuis Québec jusqu’à Matane au Prince de Condé, son fidèle neveu. Il décrète par le fait même que ceux qui ne respectent pas lʼoctroi seront considérés comme des pirates et des étrangers. Il vise ainsi principalement les marchands rochelais. Pour comprendre cette cessation de droits de commerces, il faut savoir quʼau catholicisme réformé et imposé par le roi, les rochelais continuent de se proclamer protestants.
Les hommes de Champlain pillent et coulent au moins deux de leurs navires en 1613 et en 1615. Qu’à cela ne tienne, la même année les marchands récidivent et passent lʼhiver à Matane, de façon à être les premiers à transiger avec les amérindiens. Bien que lʼexpédition de 1616 est la dernière connue, la stratégie d'hibernation fonctionne et le Jéhan revient les chercher avec leur cargaison au printemps, comme prévu. Ils repartent vers la France, triomphant de leur succès lucratif gagné par la ruse et dans lʼillégalité.
Plus tard, le port de Matane a également occupé le site du poste de traite. Depuis les années 1840, un quai rudimentaire est installé afin de servir les premières industries forestières de la région. L’ancien port de mer connaît une grande expansion avec l’arrivée en sol matanais de la compagnie forestière Hammermills Company au début des années 1920. En plus d’un nouveau quai, la compagnie installe un vaste convoyeur à chargement de pulpe nécessitant d’importants travaux de dragage à l’embouchure de la rivière. Une immense cours à bois se trouve à l’endroit où est localisé le centre d’achats Les galeries du Vieux-Port.